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Les touristes

Les touristes

Je pêche mon regard tourné vers la rivière.

Nous sommes, elle et moi, seuls.

Je vois chacun de ses méandres. Je respire chaque pierre en elle.

Son bruissement est un mot d’amour qu’elle me chuchote, ses courants sont des caresses.

Chacun de mes pas se doit de l’accompagner, de la soutenir, de la bousculer tout en sachant la contenir.

Je la remonte, elle se laisse faire, elle se refuse, je crois la tenir mais elle m’échappe encore.

Je dois la connaitre, la séduire, l’apprivoiser si je veux la pêcher.

Bien avant d’y faire nager mon leurre, je l’observe et enfin je les vois. Les truites se dévoilent. Elles sont là! la rivière me les offre. On y est, l’accomplissement est proche.

Quand soudain: un bruit! Je connais ce son, il n’apporte rien de bon.

Ces cris me heurtent et m’obligent à sortir de notre communion.

Des gens, plein de gens. Ils rient, chantent et parlent.

Ils ne savent pas, que sous leurs nages si disgracieuses, se trouve une truite de quarante, oui de quarante!

Des enfants déplaisants jouent dans l’eau, à l’endroit même où tout a l’heure et après une approche discrète, cachée dans les arbres, une truite attaquait mon leurre.

Un chien domestique a remplacé, à la surface de l’eau, les ronds qui indiquaient, ce matin, les précieux gobages.

Ils ont par leur seule présence bruyante et hostile, lever se brouillard qui m’isolait au sein de ma rivière.

En profanant notre intimité halieutique, ils ont commis l’irréparable!

Ce ne sont pas des ingénus non, mais des païens, des mécréants, des fauteurs de troubles, enfin des non pêcheurs quoi.

Que faire? Leur expliquer? leur apprendre? les repousser? les éliminer? Prendre les armes et me lancer dans une croisade meurtrière?

Non je préfère partir et discrètement fuir.

Je croise l’un d’entre eux qui doit être un peu plus affranchi. il me dit, affichant ce sourire propre aux touristes: « désolé, on a du faire du bruit pour les poissons. non ? »

Je lui répond, serein et l’air de rien: « non non , moi c’est tôt le matin, chacun son tour »

Comment croire que moi Arlequin j’abandonne ma Colombine.? Puis je partager ma rivière …..


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